Accords de distribution en Tunisie : Guide Questions-Réponses

24 septembre 2025 - Dr. Christian Steiner

Les entreprises qui souhaitent vendre leurs produits en Tunisie peuvent choisir parmi différents canaux de commercialisation. Le recours à un distributeur est l’une des options les plus courantes. Cette option permet d’étendre la présence locale et de générer des opportunités commerciales, mais elle soulève également d’importantes considérations juridiques et pratiques. Dans cette Q&R, nous abordons les questions clés. Nous pouvons vous aider à affiner un accord pour la Tunisie.

Quelles lois tunisiennes régissent les accords de distribution et comment sont-elles appliquées ?

Les accords de distribution en Tunisie sont principalement régis par le Code de Commerce, qui définit les règles générales applicables aux contrats commerciaux, et par le Code des Obligations et des Contrats (COC), qui encadre les obligations contractuelles, l’exécution et la résiliation. Il n’existe pas de « loi sur la distribution » unique ; les tribunaux tunisiens interprètent donc les contrats de distribution à la lumière de ces textes généraux. La Loi n° 36-2015 relative à la concurrence s’applique également aux clauses d’exclusivité ou de non-concurrence susceptibles d’affecter l’accès au marché. Dans certains secteurs réglementés (par exemple, l’industrie pharmaceutique), des règles de licence supplémentaires peuvent s’appliquer. Si la relation établie est en réalité un contrat d’agence ou de franchise, d’autres cadres législatifs (dont la Loi n° 2009-69 sur la franchise) peuvent entrer en jeu, d’où l’importance de bien identifier la nature juridique de la relation.

En quoi les distributeurs diffèrent-ils des agents ou des franchisés en droit tunisien ?

Le distributeur achète et revend des marchandises en son nom propre, assumant ainsi les risques commerciaux (par exemple, stock invendu). À l’inverse, un agent est habilité à représenter le donneur d’ordre et n’achète généralement pas de biens pour son propre compte ; les contrats d’agence peuvent prévoir des protections légales, telles qu’un préavis et d’éventuelles indemnités de fin de contrat. La franchise, régie par la Loi n° 2009-69, consiste à exploiter la marque et le savoir-faire du franchiseur ; la loi exige notamment un contrat écrit et une information précontractuelle. Il est crucial de qualifier correctement la relation, car les distributeurs ne bénéficient pas des mêmes compensations obligatoires en cas de rupture que les agents.

Existe-t-il des formalités ou obligations d’enregistrement pour les contrats de distribution en Tunisie ?

Aucune obligation légale ne prévoit la notarisation ou l’enregistrement d’un contrat de distribution standard. Il est néanmoins fortement recommandé d’établir un contrat écrit détaillant les conditions essentielles (fixation des prix, territoire, résiliation, etc.). Dans certains secteurs réglementés (comme la pharmacie), le distributeur doit obtenir la licence adéquate auprès du ministère compétent ; il s’agit toutefois de l’immatriculation de l’activité du distributeur et non du contrat de distribution lui-même. Les parties vérifient en général l’immatriculation commerciale (Registre du Commerce) du distributeur et s’assurent qu’il est habilité à commercialiser les produits concernés.

Quelles diligences doivent effectuer les fournisseurs étrangers avant de nommer un distributeur local?

Il est conseillé de vérifier le statut juridique et la solidité financière du distributeur via le Registre du Commerce tunisien, ainsi que de consulter les états financiers ou références disponibles. Il est également important d’examiner d’éventuels antécédents de litiges, de s’assurer que le distributeur dispose de capacités opérationnelles adaptées (stockage, transport) et de confirmer le respect de toute réglementation sectorielle applicable. Une évaluation approfondie de sa réputation sur le marché, ainsi que de son portefeuille de produits, permet d’anticiper d’éventuels conflits d’intérêts ou synergies.

Quelles clauses sont indispensables dans un accord de distribution en Tunisie ?

En l’absence de loi spécifique sur la distribution, il est essentiel de bien définir dans un écrit les obligations réciproques. Les clauses usuelles portent notamment sur le champ d’application des produits, le territoire (exclusif ou non), les méthodes de tarification (listes de prix ou barèmes de remises du fournisseur), les conditions de paiement (devise, délais, éventuels plafonds de crédit) et la durée. Le contrat doit aussi préciser les critères de performance si des objectifs de vente sont fixés, énoncer les motifs de résiliation (violation des obligations, non-réalisation des objectifs, insolvabilité, force majeure) et inclure un préavis. Les dispositions relatives à la propriété intellectuelle, à la confidentialité et au respect du droit de la concurrence tunisien (notamment les interdictions de fixation des prix de revente ou de non-concurrence trop large) sont également indispensables.

L’exclusivité est-elle autorisée et quel est l’impact du droit de la concurrence ?

L’exclusivité est autorisée par la Loi n° 36-2015 tant qu’elle ne crée pas une situation de monopole de fait ou ne restreint pas significativement l’accès au marché pour des concurrents. L’article 5 énumère les catégories d’accords ou de pratiques prohibées—celles dont l’objet ou l’effet est d’entraver la concurrence (par exemple, la fixation des prix ou le partage de marchés). Un contrat de distribution exclusif est donc admis tant qu’il ne vise pas ou ne provoque pas la création d’un quasi-monopole, l’éviction de concurrents ou la fixation de prix de revente. L’article 6 prévoit la possibilité d’une exemption (avec ou sans condition) si l’accord confère un « progrès technique ou économique » et si l’avantage pour les consommateurs l’emporte sur la restriction de concurrence. Bien que l’exclusivité ne soit pas automatiquement soumise à ce régime d’exemption, cela montre que seules les pratiques véritablement restrictives sont concernées, et non l’exclusivité en soi.

En pratique, l’exclusivité est fréquente en Tunisie, mais si le fournisseur ou le distributeur occupe une position dominante, le Conseil de la Concurrence peut vérifier si l’accord restreint la concurrence de manière injustifiée. Les clauses de non-concurrence sont généralement admises pendant la durée du contrat si elles sont limitées aux produits concernés. Après la fin du contrat, elles doivent être circonscrites avec soin (souvent de six à douze mois) et viser un champ géographique et un périmètre de produits bien définis.

Les distributeurs ont-ils droit à une indemnité de clientèle en cas de rupture ?

Le droit tunisien ne prévoit pas d’indemnité légale pour les distributeurs en cas de rupture ou de résiliation. Cela diffère des contrats d’agence, pour lesquels les tribunaux locaux peuvent accorder une compensation. Les contrats de distribution se réfèrent aux stipulations contractuelles propres à la résiliation. Toutefois, un juge peut accorder des dommages-intérêts si la résiliation est opérée de mauvaise foi ou jugée abusive (par exemple, en cas d’absence de préavis dans une relation de longue durée).

Quels sont les délais de préavis recommandés et existe-t-il des minima obligatoires ?

La législation tunisienne ne fixe pas de délai de préavis légal pour la résiliation ou la non-reconduction d’un contrat de distribution. Un préavis raisonnable—généralement entre 30 et 90 jours—est toutefois attendu, notamment pour un contrat à durée indéterminée ou quand le distributeur a réalisé des investissements substantiels. Inscrire le préavis dans le contrat permet d’éviter les litiges liés à une rupture brusque.

Que se passe-t-il pour les stocks invendus à la fin du contrat ?

Il n’existe aucune obligation légale imposant au fournisseur de racheter les stocks invendus du distributeur. Le contrat devrait préciser s’il existe un mécanisme de rachat ou si le distributeur peut continuer à écouler ses stocks pendant une période définie. Faute de stipulation contractuelle, le risque des invendus incombe au distributeur, bien que les parties négocient parfois des clauses de rachat pour une cessation harmonieuse de la relation.

Le contrat peut-il être régi par un droit étranger et recourir à l’arbitrage international ?

Dans le cadre d’un contrat de distribution international, les parties peuvent choisir un droit étranger comme loi applicable, mais les tribunaux tunisiens appliqueront néanmoins les règles d’ordre public tunisiennes (droit de la concurrence, principes de politique publique) en cas de litige local. Les clauses d’arbitrage sont largement acceptées, la Tunisie étant signataire de la Convention de New York, ce qui facilite l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Si un jugement étranger est rendu, une procédure d’exequatur doit être engagée devant les juridictions tunisiennes pour vérifier la conformité du jugement à l’ordre public et le respect du principe de réciprocité.

Dr. Christian Steiner

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