« Autres pays, autres mœurs ». Cela vaut également pour les procédures judiciaires au Maroc qui, si elles ressemblent à celles de l’Europe d’après la loi, présentent néanmoins quelques différences dans la pratique. Au tribunal comme en haute mer, on est aussi entre les mains d’Allah au Maroc.
Un aperçu du système judiciaire, des coûts, du déroulement et de la durée des procédures, de la représentation, des preuves recevables et de l’exécution forcée au Maroc.
1. Quels sont les tribunaux au Maroc ?
L’ordre judiciaire marocain s’inspire de l’ordre judiciaire français. Il se divise en juridictions de droit commun, juridictions spécialisées et juridictions d’exception.
a. Le premier degré de juridiction au Maroc
(1) Juridiction de droit commun
La première instance de la justice de droit commun au Maroc est le Tribunal de Première Instance, composé de différentes chambres telles que la chambre civile, la chambre de la famille ou la chambre pénale. Le tribunal est généralement composé de trois juges professionnels, mais dans certains cas, un juge unique peut également statuer.
Pour les infractions et les litiges civils d’une valeur inférieure à 5.000 MAD (environ 500 EUR) – à l’exception des litiges en matière d’état civil, de droit immobilier, de droit social et de droit d’expulsion – les juridictions de proximité sont également compétentes. Elles ont été introduites en 1974 pour décharger les Tribunaux de Première Instance et ont été réformées en 2011. La décision est rendue par un juge professionnel, dont la décision ne peut pas faire l’objet d’un appel, mais qui peut, dans des limites strictes, faire l’objet d’une demande d’annulation du jugement. Cette demande doit être adressée au Tribunal de Première Instance.
(2) Juridiction spécialisée en matière administrative et commerciale
Également au Maroc, des tribunaux spéciaux sont compétents en matière administrative et commerciale.
En matière commerciale, c’est-à-dire les plaintes entre commerçants en rapport avec une transaction commerciale, c’est le Tribunal de Commerce qui tranche. Chaque chambre est composée de trois juges professionnels. Le président du
Tribunal de Commerce marocain veille par ailleurs au respect des formalités du registre du commerce. Dans la pratique, la procédure est toutefois souvent menée par un seul juge.
En matière administrative, c’est le Tribunal Administratif qui tranche. Chaque chambre est généralement composée de trois juges professionnels. Les Tribunaux Administratifs marocains sont compétents pour les litiges relatifs aux contrats administratifs, les litiges électoraux ainsi que les actions en dommages et intérêts en rapport avec les actes administratifs.
(3) Juridiction d’exception
La Haute Cour, ayant été compétente pour la poursuite des crimes commis par des membres du gouvernement, a été dissoute en 2011. Au Maroc, ce sont désormais les tribunaux de droit commun qui sont compétents pour ces procédures.
La juridiction d’exception ne comprend donc plus que la Cour de Justice Militaire, qui est compétente pour les crimes commis par des militaires ainsi que pour ceux qui menacent la sécurité nationale. La Cour est composée de juges professionnels et de juges militaires et applique le Code de justice militaire.
b. La seconde instance au Maroc
(1) Juridiction de droit commun
La seconde instance de droit commun au Maroc est la Cour d’Appel. Elle est divisée en plusieurs chambres, chacune composée de trois ou cinq juges professionnels.
(2) Juridiction spéciale
En seconde instance, la Cour d’Appel de Commerce statue en matière commerciale et la Cour d’Appel Administrative statue en matière administrative. Toutes deux sont divisées en différentes chambres, composées chacune de trois ou cinq juges professionnels.
c. La Cour de cassation marocaine
La Cour de Cassation (anciennement Cour Suprême, depuis 2011 Cour de Cassation) est compétente en dernier ressort aussi bien pour les juridictions de droit commun que pour les juridictions spéciales et exceptionnelles.
Elle est divisée en plusieurs chambres.
2. A quels frais dois-je m’attendre lors d’une procédure judiciaire au Maroc ?
a. Frais de justice au Maroc
L’accès à la justice au Maroc n’est gratuit que dans certains cas, par exemple en matière de droit du travail ou de droit de la famille. Sinon, les frais de justice au Maroc s’élèvent en général à 1% de la valeur du litige (taxe judiciaire). Des frais supplémentaires peuvent être facturés, par exemple lorsqu’un acte de procédure est effectué (par exemple la signification de la demande) ou lorsqu’une expertise est ordonnée.
La décision du tribunal détermine quelle partie obtient gain de cause. En principe, tous les frais de justice sont à la charge de la partie perdante. Il existe toutefois une exception lorsque le tribunal rend expressément une autre décision sur les frais et répartit différemment la charge des frais. Cela se produit souvent dans la pratique, de sorte que la partie qui obtient gain de cause supporte généralement une partie des frais de justice.
b. Les honoraires d’avocat au Maroc
En revanche, dans les procédures judiciaires marocaines, chaque partie doit toujours prendre en charge ses propres honoraires d’avocat – indépendamment de l’issue de la procédure. Les honoraires ne sont pas réglementés par la loi, de sorte que les honoraires d’avocat au Maroc peuvent varier. Ils dépendent soit de la valeur du litige (pourcentage ou honoraires de base + honoraire de résultat), soit du temps necessaire pour traiter l’affaire. Il ne faut pas oublier que les procédures judiciaires impliquent pour l’avocat de nombreux rendez-vous au cours desquels des mémoires sont échangés et des rendez-vous sont fixés.
La répartition de la charge des frais de justice et des frais d’avocat fait que, dans la pratique, la mise en œuvre de petites créances (moins de 10.000 euros) ne semble guère proportionnée, surtout en dehors des métropoles. Les risques sont trop élevés, les possibilités d’atermoiement et les difficultés d’exécution trop nombreuses.
En tout cas, les parties au procès doivent faire preuve de patience. Au Maroc, l’inverse peute être plus invantageux : un procès évité est généralement le meilleur procès, pour autant que l’on parvienne à un accord extrajudiciaire à l’abri des tribunaux.
3. Comment se déroule une procédure judiciaire de première instance en matière civile au Maroc ?
Au Maroc, une action en justice efficace ne doit pas être précédée d’une tentative de règlement à l’amiable, sauf en matière de droit du travail et de droit de la famille. Alors qu’en droit du travail, une seule tentative suffit, en droit de la famille, l’accord à l’amiable doit échouer trois fois ( !) avant qu’une action en justice puisse être engagée.
Si une action en justice est engagée, la partie requérante doit d’abord déposer la demande en deux exemplaires auprès du tribunal. Le tribunal notifie ensuite la demande à la partie adverse.
La suite de la procédure diffère toutefois nettement de celle que nous connaissons dans les pays européens et montre clairement pourquoi les procédures judiciaires au Maroc sont si coûteuses. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’une affaire pénale ou d’une ordonnance de référé, il n’y a pas de procédure orale devant les tribunaux. Les négociations de règlement ne sont donc pas entamées sur l’intervention orale des tribunaux. Les avocats doivent se présenter personnellement au tribunal pour déposer des mémoires et doivent être convoqués à cet effet. En raison de la circulation ou des rendez-vous en province, cela représente une perte de temps parfois considérable, avec des coûts non négligeables pour les clients.
Mais la numérisation a également atteint la justice marocaine. Depuis quelque temps, il est possible, du moins dans certains tribunaux, comme à Marrakech, de déposer des mémoires par e-mail. Cela laisse espérer que la procédure numérique sera bientôt possible dans tous les tribunaux du Maroc, ce qui pourrait raccourcir les procédures et réduire les coûts.
En revanche, la numérisation n’éliminera pas les inconvénients d’une procédure purement écrite. Ce qui pourrait souvent être clarifié lors d’une procédure orale dans le cadre d’une discussion entre les parties et le juge se perd dans le labyrinthe des mémoires, des expertises et des contre-expertises. L’oralité exige en revanche d’autres capacités de la part des organes de la justice, qui se situent en dehors du spectre connu des procédures écrites. Si le législateur marocain voulait rendre les procédures judiciaires plus efficaces, il devrait également orienter la formation des juges en conséquence.
Tout comme devant les autorités, la communication devant les tribunaux marocains se fait en arabe, tant à l’oral qu’à l’écrit. Les actes de procédure rédigés en français ne sont pas acceptés, sauf en matière de divorce si l’un des époux est étranger. En revanche, des exceptions sont souvent faites pour les autres documents rédigés en français.
4. Quels sont les délais à respecter dans une procédure judiciaire au Maroc ?
Les délais rigides, tels que les délais de recours, doivent être respectés et ne peuvent pas être prolongés. Au Maroc, le délai de recours varie entre 10 et 30 jours selon le domaine juridique. En matière pénale, il commence à courir à partir du prononcé, en matière civile et administrative à partir de la notification du jugement.
Toutefois, tous les autres délais fixés par le tribunal peuvent être prolongés.
5. Ai-je besoin d’un avocat au Maroc et celui-ci est-il habilité à me représenter devant tous les tribunaux marocains ?
Sauf en première instance en matière de droit de la famille et de droit du travail, la représentation par un avocat est obligatoire devant les tribunaux marocains.
Tout avocat inscrit au barreau du Maroc est habilité à plaider devant toutes les juridictions du pays (à l’exception de la Cour de Cassation, pour laquelle il faut être inscrit depuis 15 ans).
Il n’est pas nécessaire ni habituel de présenter une procuration écrite aux tribunaux marocains. Il est plutôt présumé qu’un avocat, en vertu de son code de déontologie, n’intervient pour un client que s’il en a effectivement reçu le mandat. Paradoxalement et ironiquement, les problèmes dans les relations avec les clients surviennent plutôt lorsqu’un avocat, contrairement à la coutume décrite, exige une procuration écrite de la part du client. Malheureusement, on observe parfois que certains avocats développent une « vie propre » sur la base d’une telle procuration, en intentant des procès « au nom du client », sans que le client ne soit jamais informé de ces procédures et de leur issue. Il s’avère alors régulièrement difficile, voire impossible, de mettre fin à de tels mandats, étant donné que la reprise par un autre avocat n’est possible qu’avec l’autorisation expresse du titulaire du mandat et que tous les barreaux n’exercent pas leurs obligations de surveillance et de discipline comme on pourrait normalement l’attendre d’un organe d’autogestion.
6. quelles sont les preuves admises devant les tribunaux marocains ?
Comme en France, les preuves au Maroc peuvent être apportées par des experts, des inspections, l’audition des parties, des documents et l’audition de témoins.
En ce qui concerne la preuve documentaire, il convient de noter qu’au Maroc, dans certains cas, seuls les documents certifiés sont admis. Dans le cas où l’acte est légalisé en Allemagne, une pré-légalisation par le tribunal compétent et la sur-légalisation par le consulat marocain sont alors nécessaires. Cela résulte du fait que le Maroc a certes adhéré à la Convention de la Haye supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics du 05.10.1951, mais que l’Allemagne s’y est opposée dans le cas du Maroc. Pour la plupart des autres pays, la procédure simplifiée dite d’apostille est en revanche appliquée avec le Maroc.
7. Quelle est la durée de la procédure en matière civile en première instance au Maroc ?
En matière civile de première instance au Maroc, il faut généralement compter avec une durée de procédure de 8 à 12 mois. En appel, la durée de la procédure peut aller jusqu’à 8 mois. La durée de la procédure dépend en grande partie de la nécessité de procéder à une évaluation complète des preuves et du respect des délais.
8. Comment se déroule l’exécution des jugements au Maroc ?
Sauf dans le cadre de procédures spéciales, le jugement n’est pas notifié par le tribunal à la partie perdante. La signification incombe plutôt à la partie gagnante, qui fait appel à un huissier de justice. Ce n’est qu’à partir de la signification du jugement que celui-ci devient définitif et que le délai d’appel commence à courir. Même si un appel est interjeté, le jugement est dans de nombreux cas exécutoire par provision.
9. Est-il possible de porter le litige devant un tribunal arbitral ?
En principe, il est possible d’insérer une clause d’arbitrage dans tout type de contrat afin qu’en cas de litige, un tribunal arbitral tranche l’affaire. Voir à ce sujet notre article Arbitrage au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Est-ce possible ?