Fin de la relation de travail aux EAU

13 septembre 2022 - Dr. Christian Ule & Sophie Greiner

Informations essentielles sur le droit applicable en cas de cessation des rapports de travail dans le secteur privé aux EAU 

Depuis le 2 février 2022, un nouveau Code du travail (Law No. 33 of 2021) est en vigueur aux EAU. Il remplace l’ancien Code du travail (Law No. 8 of 1980) après plus de 40 ans et entraîne de profondes modifications. 

1. Aperçu du droit du travail en vigueur aux EAU  

La situation juridique en matière de résiliation des contrats de travail aux EAU est complexe, due l’existence de 47 zones franches dans les différents Émirats, dont certaines ont adopté des règles autonomes dans le domaine du droit du travail.  

Le présent article se limite aux règles du Code du travail fédéral. Il s’applique partout aux EAU, à l’exception des zones franches Dubai International Financial Centre (DIFC) et Abu Dhabi Global Market (ADGM), qui ont édicté leur propre législation en matière de droit du travail, applicable exclusivement à ces zones et en lieu et place du Code du travail fédéral. Le Code du travail fédéral s’applique de la même manière dans les sept Émirats à tous les salariés du secteur privé travaillant aux EAU, que l’employeur soit établi dans le pays ou à l’étranger. En cas de doute, il prévaut sur toutes les règles adoptées par les autres zones franches. En particulier, la légalité et les conséquences de la cessation d’une relation de travail sont essentiellement régies par le droit du travail fédéral (ci-après dénommé « droit du travail »). 

2. Modernisation du droit du travail aux EAU par la loi Law No. 33 of 2021 

Depuis le 2 février 2022, un nouveau Code du travail est en vigueur aux EAU. Les contrats de travail conclus avant cette date doivent être adaptés à ce nouveau droit jusqu’au 1er février 2023. Il reste toutefois possible de convenir du maintien de certaines clauses de l’ancien droit du travail. 

Le nouveau Code du travail des EAU prévoit, entre autres, des changements importants en matière de période d’essai, de congés, de licenciement, de temps partiel, de maternité, de travail à domicile et de jours ouvrables. Cet article met en lumière les conséquences sur la fin des contrats de travail aux EAU. 

3. Abolition des contrats de travail à durée indéterminée (CDI) aux EAU 

Là où les CDI étaient la norme dans l’ancien Code du travail, le nouveau Code du travail ne les prévoit plus. En vertu de l’article 68 et de l’article 8 du nouveau Code du travail, les seuls contrats de travail possibles sont les contrats à durée déterminée (CDD) d’une durée maximale de trois ans, qui peuvent être renouvelés ou prolongés (plusieurs fois) jusqu’à un maximum de trois ans après l’expiration de la période. Dans l’exposé des motifs de la loi, la raison invoquée pour l’abolition des CDI est la flexibilisation et la durabilité du marché du travail, ainsi que l’augmentation de la compétitivité des EAU en tant que lieu de vie et de travail.  

Les CDI encore en vigueur jusqu’au 1er février 2023 peuvent prendre fin par contrat de rupture, décès ou incapacité totale de travail du salarié ou licenciement. Dans ce dernier cas, le contrat de travail peut être résilié de manière ordinaire ou extraordinaire. 

(1) Licenciement ordinaire d’un CDI aux EAU jusqu’au 1er février 2023 

En cas de licenciement ordinaire jusqu’au 1er février 2023, les délais de préavis suivants doivent être respectés : 

  • Si le salarié a moins de 5 ans d’ancienneté : 30 jours 
  • Si le salarié a plus de 5 ans d’ancienneté : 60 jours 
  • Si le salarié a plus de 10 ans d’ancienneté : 90 jours 

Pendant le délai de préavis, le salarié doit continuer à fournir son travail correctement et il continue à recevoir son salaire. 

(2) Licenciement extraordinaire d’un CDI aux EAU jusqu’au 1er février 2023 

La possibilité de licenciement extraordinaire des CDI est également maintenue jusqu’au 1er février 2023.  

Pour que l’employeur puisse procéder à un licenciement extraordinaire, il doit y avoir un cas de faute grave au sens de l’article 44 de la part du salarié. C’est notamment le cas lorsque : 

  • le salarié commet une faute qui cause un préjudice matériel grave à l’employeur ou qui endommage intentionnellement les biens de l’employeur  
  • le salarié révèle un secret de travail lié à la propriété industrielle ou intellectuelle et que l’employeur en subit un préjudice 
  • le salarié agresse verbalement, physiquement ou de toute autre manière l’employeur, le supérieur responsable ou des collègues pendant le travail 

En revanche, si le salarié démissionne sans préavis, il ne peut le faire que pour les motifs énumérés à l’article 45 du nouveau Code du travail, qui sont entre autres les suivants : 

  • L’employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles ou celles du nouveau droit du travail 
  • L’employeur a agressé le salarié sur le lieu de travail ou l’a harcelé 
  • Il existe un risque grave sur le lieu de travail qui menace la sécurité ou la santé de du salarié et l’employeur n’a pas pris de mesures pour y remédier 
  • Un salarié est affecté, sans son consentement, à un travail fondamentalement différent de celui stipulé dans son contrat de travail 

3. Fin des contrats à durée déterminée aux EAU 

A partir du 1er février 2023, le CDD sera la seule forme de contrat valable. Ses motifs de fin sont régis par l’article 42 du nouveau Code du travail. 

(1) Fin par l’expiration de la durée convenue du contrat.  

En règle générale, les CDD prennent fin à l’expiration de la durée convenue. La durée du contrat doit être explicitement stipulée dans le contrat. Les CDD peuvent toutefois être reconduits expressément ou tacitement. 

(2) Fin par contrat de rupture, décès ou incapacité totale de travail  

a) Par contrat de rupture 

Un contrat de rupture n’est valable que si l’accord du salarié est donné par écrit. Par ailleurs, un tel contrat ne peut pas contourner ou annuler les dispositions du droit du travail qui protègent le salarié. 

b) En cas de décès ou d’incapacité totale de travail du salarié 

En cas de décès du salarié ou d’incapacité totale de travail, le contrat de travail prend également fin. L’incapacité totale de travail doit être constatée par une expertise médicale ; si l’incapacité n’est que partielle, une modification de l’emploi peut être envisagée, pour autant que le salarié concerné en fasse la demande. 

En revanche, le décès de l’employeur n’a généralement aucune incidence sur la poursuite du contrat de travail. Il n’en va autrement que dans la mesure où l’objet principal du contrat a un lien direct avec l’employeur. Ce n’est généralement pas le cas pour les entreprises. 

(3) Fin par licenciement 

a) Fin du contrat à durée déterminée par résiliation ordinaire aux EAU 

Le droit de résilier un CDD ne peut être exercé, tant par l’employeur que par le salarié, que s’il existe un motif légitime (dit legitimate reason). Selon l’article 43 en liaison avec les dispositions d’exécution (Cabinet Resolution No. 1), cela ne peut être admis que dans deux cas : 

  • Il existe une décision de justice selon laquelle l’employeur est en faillite ou insolvable 
  • Il existe une décision des autorités compétentes des EAU selon laquelle l’employeur n’est pas en mesure de poursuivre son activité pour des raisons économiques exceptionnelles indépendantes de sa volonté 

Il faut également respecter un délai de préavis de 30 jours minimum (et de 90 jours maximum), sauf disposition contraire dans le contrat de travail. Pendant la période de préavis, le salarié doit continuer à effectuer son travail correctement et il continue à recevoir son salaire. 

b) Fin du CDD par licenciement extraordinaire aux EAU 

Avec le nouveau Code du travail, la résiliation extraordinaire CDD est désormais possible. Les motifs mentionnés ci-dessus (Point 3. (2) Licenciement extraordinaire d’un CDI aux EAU jusqu’au 1er février 2023) s’appliquent également ici. 

c) Cas particulier : fin du CDD pendant la période d’essai aux EAU 

Dans son article 9, le nouveau Code du travail prévoit désormais un délai de préavis de minimum 14 jours à respecter par l’employeur si la résiliation intervient pendant la période d’essai. 

La loi prévoit deux délais différents pour le salarié pendant la période d’essai : 

  • Le salarié souhaite changer d’employeur aux EAU : préavis d’un mois. 
  • Le salarié a l’intention de quitter les EAU : préavis de 14 jours 

Si le salarié ne respecte pas ces dispositions, il est interdit de travailler pendant un an à compter de la date de son départ. 

4. Droits au paiement en cas de cessation de la relation de travail aux EAU 

En cas de cessation de la relation de travail par l’employeur, le salarié peut bénéficier de plusieurs droits. Tous les paiements dus au salarié doivent être effectués par l’employeur dans les 14 jours suivant la date de cessation du contrat. 

(1) Droit légal à l’indemnité de licenciement 

Pour déterminer si et dans quelle mesure le salarié a droit à une indemnité légale de licenciement (dite severence pay ou end of service gratuity), il convient de distinguer, conformément à l’article 51 du nouveau droit du travail, si le salarié est national ou étranger. Dans les deux cas, le droit à l’indemnité de licenciement ne peut pas être exclu même si c’est le salarié qui démissionne. 

Le droit légal à l’indemnité de licenciement du salarié national est régi par l’article 26 de la loi Law No. 10 of 2017, à condition que le contrat de travail ait duré au moins un an sans interruption. L’indemnité de licenciement est calculée sur la base de 14 jours de salaire pour chaque année. 

En ce qui concerne l’indemnité légale de licenciement d’un salarié étranger aux EAU, elle n’est due que si le contrat de travail a duré au moins un an. Sauf disposition contractuelle plus avantageuse pour le salarié, celui-ci a droit à une indemnité légale de 21 jours de salaire par année de travail pour les cinq premières années, et de 30 jours de salaire pour chaque année supplémentaire. Pour toute année de travail entamée, le salarié a droit à une indemnité de licenciement au prorata du temps de travail effectué. Le montant maximal légal de l’indemnité est toutefois limité à deux années de salaire. Pour calculer le montant de l’indemnité de licenciement, il n’est pas tenu compte des avantages en nature ni des allocations de loyer, de transport, de voyage, d’éducation et autres, qui sont d’usage dans le pays. Par ailleurs, la base de calcul de l’indemnité de licenciement est le dernier salaire auquel le salarié avait légalement droit. Lors du paiement de l’indemnité de licenciement, l’employeur peut déduire les éventuels paiements dus par le salarié au sens de l’article 25 du nouveau Code du travail. 

(2) Droit à une indemnité en cas de licenciement arbitraire 

Outre l’indemnité de licenciement prévue à l’article 47 du nouveau Code du travail, le salarié peut également prétendre à une compensation équitable en cas de licenciement arbitraire arbitrario (dite fair compensation). Le montant de l’indemnité est laissé à l’appréciation du Tribunal et peut aller jusqu’à trois mois de salaire. Un licenciement est toujours considéré comme arbitraire lorsque la raison du licenciement n’est pas liée au travail. L’expérience montre qu’en cas de doute, les Tribunaux émiriens tranchent souvent en faveur du salarié. 

(3) Droit à une indemnisation en cas de non-respect du délai de préavis 

Si, en cas de licenciement ordinaire, l’employeur ne respecte pas le délai de préavis fixé par la loi, le salarié a droit à une indemnité (dite notice period allowance) en vertu de l’article 43 du nouveau Code du travail. C’est également le cas lorsqu’il n’a subi aucun préjudice. Le montant de l’indemnité correspond au salaire que le salarié aurait perçu pendant le délai de préavis légal (restant). 

(4) Droit à la prise en charge des frais de retour dans le pays d’origine  

Enfin, dans le cas d’un salarié  étranger, l’article 13 du nouveau Code du travail lui donne droit à la prise en charge des frais de retour dans son pays d’origine aux frais de l’employeur, sauf si 

  • il débute un nouveau contrat de travail aux EAU  
  • la cessation de la relation de travail lui est imputable et il dispose de moyens suffisants pour payer lui-même son retour 

Le droit est calculé sur la base du dernier salaire de base versé. La condition est que la relation de travail ait duré plus d’un an. Contrairement à l’ancien droit du travail, ce droit est intégralement maintenu même si c’est le salarié qui met fin à la relation de travail. 

Selon la structure du contrat de travail ou des accords d’entreprise existants, le droit peut également inclure les frais de retour de la famille, le rapatriement des biens, etc. Si un logement de fonction faisait partie du contrat de travail, le salarié doit le quitter dans les 30 jours suivant la fin du contrat. 

5. Autres droits du salarié aux EAU 

Conformément à l’article 13 du nouveau Code du travail, l’employeur est tenu, si le salarié en fait la demande, de lui délivrer un certificat de travail indiquant, outre les dates d’entrée et de sortie, la durée de l’emploi, la nature du travail effectué et la dernière rémunération à la fin de la relation de travail. Les éventuels certificats et outils de travail appartenant au salarié doivent lui être restitués à la fin du contrat. 

6. Changement de statut de l’employeur aux EAU 

Si la structure de l’entreprise de l’employeur ou son statut juridique (y compris la propriété) change et qu’un nouvel employeur s’y ajoute ou y entre, cela n’a en principe aucune influence sur la poursuite des contrats de travail. Le contrat de travail continue d’exister, ce qui signifie que les droits à l’indemnité de licenciement continuent d’augmenter. 

7. Clauses de non-concurrence aux EAU 

En vertu de l’article 10 du nouveau Code du travail, les clauses de non-concurrence doivent être spécifiées dans le contrat de travail en ce qui concerne le temps, le lieu et la nature du travail. En outre, une clause de non-concurrence ne peut être maintenue au-delà de deux ans à compter de la fin du contrat. 

8. Litiges résultant du licenciement aux EAU 

En cas de litige entre l’employeur et le salarié résultant d’un licenciement, l’article 54 du nouveau Code du travail stipule qu’une tentative de règlement à l’amiable doit d’abord être engagée auprès du Ministère des ressources humaines et de l’Emiratisation (Ministry of Human Resources and Emiratisation). Si cette tentative échoue, le litige est porté devant le Tribunal compétent. Celui-ci doit alors fixer une date d’audience dans un délai de trois jours ouvrables, au cours de laquelle les deux parties auront l’occasion de s’exprimer.